En 1950, lorsque les Presses de la Cité rééditent les premiers volumes Maigret et en publient de nouveaux, la vague des jaquettes dessinées a passé, et les romans auront dorénavant des couvertures ornées d’une photographie en noir et blanc, renouant en cela avec la tradition des premiers romans parus chez Fayard. C’est le photographe Nicolas Yantchevsky qui est mandaté pour réaliser le travail.
En octobre-décembre 2016, la BNF a proposé une exposition consacrée au travail du photographe, et grâce à Jérôme, qui a visité cette exposition, nous sommes en mesure de vous donner quelques renseignements sur le sujet. Pour l’essentiel, les informations proviennent d’un article de Dominique Versavel, commissaire de l’exposition, et des panneaux de l’exposition elle-même.
En 1945, Yantchevsky, 21 ans, rencontre Simenon, et celui-ci, qui retrouve en lui sa jeunesse (dans l’exemplaire de La fenêtre des Rouet qu’il lui a dédicacé, il lui écrit qu’il voit en lui “[s]on portrait à vingt ans”), le présente à Sven Nielsen, fondateur des Presses de la Cité, qui confie au photographe l’illustration des couvertures des romans qu’il édite. Yantchevsky fournira ainsi des images pour les Maigret et les “romans durs” pendant une douzaine d’années.
“Héritier” de Doisneau et de Brassaï, Yantchevsky propose des images surtout nocturnes, dans une “vision personnelle de Paris, toute de clair-obscur, d’atmosphères mystérieuses, de noirceur latente”, comme l’écrit Dominique Versavel; ses photographies montrent son art de la mise en scène, et font écho aux films noirs de l’époque.
Les couvertures sont, comme elle l’écrit encore, le “fruit d’un travail collectif”: l’éditeur envoie un manuscrit à Yantchevsky, lui faisant quelques suggestions. Le photographe part en repérage nocturne dans la ville, fait parfois poser ses proches (sa femme pour la couverture de Maigret et la jeune morte), se met lui-même en scène pour la silhouette de Maigret, puis soumet ses propositions à Simenon, qui fait le choix définitif de l’image.
On peut dire que Yantchevsky a travaillé dans un certain anonymat (“un photographe de l’ombre”, comme il est dit sur un panneau de l’exposition, dans un joli jeu de mots qui fait aussi allusion à son travail photographique sur les clichés nocturnes), et c’est vrai pour les romans de Simenon. En effet, le crédit photographique n’apparaît pas toujours dans les volumes, et la seule trace qu’on trouve est une signature sous le pseudonyme d’Andrénic. Il est donc difficile de savoir s’il faut lui attribuer toute la série des couvertures des Maigret de cette période. Pour mémoire, vous trouverez ci-dessous une galerie de cette série, sans doute une des plus jolies parmi toutes les éditions de ces romans.